L’Avis sur le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun.
On en parle depuis quelques jours et voilà que j’ai prit
le temps de le retrouver et, surtout, de le lire. Pour les références (histoire
d’être précise), il s’agit de l’Avis n°2015-04-16-VIO-16 publié le 16 avril
2015.
Cet avis a été rendu suite à la saisine de Mme TOURAINE
(Ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes) et de
Mme BOISTARD (Secrétaire d’Etat chargée des Droits des femmes).
Parmi les personnes qui y ont participé, on
retrouve : Mme BOUSQUET (Présidente du Haut Conseil d’Etat à l’Egalité
entre femme et homme), Mme MOIRON –BRAUD et Mme RONAI (co-présidentes de la
Commission « Violences de genre ») et Mme RESSOT (rapporteure).
L’avis en lui-même commence par la lettre de saisine. La saisine est le recours à un organe
juridictionnel et/ou à une autorité de police. Ici, Mme TOURAINE et Mme
BOISTARD ont saisit le Haut Conseil à l’Egalité entre femme et homme (HCEfh).
Elles lui ont demandé de proposer des
recommandations en vue de faire diminuer (ou cesser) le harcèlement
sexuel/sexiste dans les transports en commun. Le tout en prenant en compte de la commission créée en 2014 suite au
Comité National de Sécurité dans les Transports en Commun. Cette dernière a
pour mission de faire des propositions concrètes.
Cessons le côté juridique pour pouvoir se pencher sur ce
que dit réellement cet avis.
·
Nous avons la définition du phénomène de harcèlement sexiste et des violences
sexuelles dans l’espace public : « Le harcèlement sexiste dans
l’espace public se caractérise par le fait d’imposer tout propos ou
comportement, à raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle
supposée ou réelle d’une personne, qui a pour objet ou pour effet de créer une
situation intimidante, humiliante, dégradante ou offensante portant ainsi
atteinte à la dignité de la personne. Le harcèlement sexiste peut prendre des
formes diverses comme des sifflements ou des commentaires sur le physique, non
punis par la loi, ou des injures, punies par la loi. Les violences sexuelles
sont définies par la loi dans toutes leurs manifestations. Elles recouvrent
l’exhibition et le harcèlement sexuel ainsi que les agressions sexuelles (mains
aux fesses, «frottements», etc.) dont le viol. »
·
Il est clairement admit le flou entourant la frontière entre harcèlement et violence.
·
Le phénomène de harcèlement et de violences
« des manifestations du sexisme qui
affectent le droit à la sécurité et limitent l’occupation de l’espace public
par les femmes et leurs déplacements en son sein. »
·
Il est encore admit que le phénomène est massif, violent et ayant des impacts
négatifs importants.
·
De même, les transports en commun sont vecteurs de liberté pour les femmes qui
en sont les plus grandes utilisatrices… L’impact négatif est donc d’autant plus
important tant sur la vie
quotidienne (insécurité, frein à la mobilité, injonctions vestimentaires et
comportementales…) que sur la vie
sociale (frein à la sociabilité, renforcement des stéréotypes…) et sur le maintien des inégalités et de la
discrimination.
Après ces informations et ces mises au point, nous avons
quelques… rappels :
·
Les sociétés de transports en commun sont
obligées d’offrir des conditions maximales de sécurité.
·
Les conseils généraux et les communes ont les
mêmes concernant la sécurité des élèves sur les aires de stationnement de cars
scolaires et en leur sein.
·
La société civile, les associations féministes
et les femmes décidées à ne plus se taire sont entendues.
·
Le gouvernement, les collectivités
territoriales, les entreprises de transport expriment de plus en plus leur
volonté de passer à l’action.
Les principes d’actions et les points de vigilance
suivants sont soulignés :
L’avis recommande d’établir
un plan national d’action « Stop au harcèlement sexiste et aux
violences sexuelles sur toute la ligne » qui reposerait sur 3 orientations afin de permettre aux femmes, et aux
hommes, d’exercer leur liberté de circuler :
Là, on termine la synthèse de l’avis. Ouais, il est plutôt massif. Donc, si vous ne voulez pas continuer pour avoir plus de détails, sachez que vous avez au moins eut l’essentiel. Personnellement, je ne peux que vous conseiller de lire le document en entier sans passer par ma « prise de note » toute relative puisque je suis obligée de broder sans quoi personne ne pourrait suivre ma pensée.
Voilà donc la suite ou du
moins, la version bien moins synthétique de tout ce qui a été évoqué
auparavant.
Légalement, il n’y a pas de définition claire du harcèlement sexiste,
contrairement aux violences sexuelles. De fait, l’HCEfh s’est appuyé sur la
définition du harcèlement de rue, harcèlement sexuel et du sexisme pour en
créer une : « Le harcèlement
sexiste dans l’espace public se caractérise par le fait d’imposer tout propos
ou comportement, à raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle
supposée ou réelle d’une personne, qui a pour objet ou pour effet de créer une
situation intimidante, humiliante, dégradante ou offensante portant ainsi
atteinte à la dignité de la personne. Le harcèlement sexiste peut prendre des
formes diverses comme par exemple des sifflements ou des commentaires sur le
physique, non punis par la loi, ou des injures, punies par la loi. »
Le champ des manifestations du harcèlement sexiste et des violences
sexuelles est large. Sans être exhaustive, voici la liste des comportements
ainsi que les prévisions légales qui les
accompagnent.
Notion spéciale pour ce
rappel :
Quelques exemples :
L’enquête menée par le HCEfh
montre que les femmes sont majoritairement
les victimes de ce harcèlement/ces violences. Qu’importe l’âge, la CSP ou
les origines des hommes qui en sont les auteurs qu’ils soient seuls ou en
groupe. Le facteur discriminant du sexe
est souvent, d’ailleurs, accompagné par d’autres discriminations :
handicap, identité, orientation sexuelle… ce
qui accentue le risque de devoir faire face à ce type de comportement.
Les témoignages recueillit
durant cette études montrent aussi que les
femmes adaptent leur comportement (vestimentaire, trajet…) afin de ne pas être
en danger et de ne pas être une cible.
Par exemple, depuis que je me suis fait agresser (et même
avant mais cela a empiré depuis), je ne me maquille plus, j’ai banni les robes
et les jupes, j’évite d’aller dans certains quartiers de ma ville, j’en viens
même à devoir demander à Norbert de venir me chercher au boulot. Pour
l’anecdote, le 17 avril, en moins de 12h (dont 8 passées au taff et 1 dans un
magasin de tissu), je me suis fait harcelée 3 fois. 3 fois en 3h de temps et en étant habillée comme un sac (dans l’espoir
qu’on me foute la paix).
Ainsi, l’on rejoint l’idée que l’espace public est un espace sexué. J’en veux pour exemple typique
la place Gabriel Péri à Lyon où la concentration de testostérone est proche de
100% et que si on est une fille, on y va avec un char d’assaut. Au-delà de
cette parenthèse, il est clair que la conception de l’espace public comme un
espace sexué ne fait que donner une légitimité
certaine au harcèlement et aux violences.
Les femmes sont donc réduites à penser leurs déplacements
(horaires, ligne, accompagnement), leurs choix vestimentaires (on va éviter la
jupe pour ne pas avoir droit à une main en dessous), les heures de sorties… Les auteurs eux, n’ont aucun souci avec
ça : l’espace public leur appartient.
« Cela marque clairement une intériorisation du système de genre par les femmes, contraintes à
s’adapter aux règles machistes d’un tel système si elles souhaitent circuler
librement et en limitant les risques pour leur sécurité. »
Pour l’instant, il n’y a pas de données statistiques
sexuées récentes. Cependant, le HCEfh n’en est pas moins réaliste sur ce qui entrave l’établissement de ces
données. Aux causes traditionnelles empêchant une femme de dénoncer les
violences qui lui sont faites, s’en ajoutent d’autres :
- Phénomène méconnu, mal appréhendé, considéré comme « normal »
- Les données recueillies par la police, la gendarmerie ou la justice ne reposent que sur les crimes et délits reconnus comme tels
- Les données recueillies par les organismes de transport sont incomplètes
- Les études traitant des violences faites aux femmes se concentrent essentiellement sur la sphère privée
- Les études et enquêtes de victimation s’appuient sur des normes et des critères légaux qui se concentrent sur les agressions physiques et sexuelles en excluant la plupart des manifestations du harcèlement sexiste qui, d’ailleurs, est invisible aux yeux de la loi.
Pourtant, il est clairement indispensable de faire des
études de victimation (à la fois quantitative et qualitative) afin de :
- Définit les manifestations du phénomène, mieux connaître le profil des victimes et des auteurs
- Mesurer l’impact du phénomène sur la mobilité des femmes, leur santé et leur vie professionnelle
- Interroger les non-client(e)s des transports en commun pour en savoir les raisons.
Le tout en étant attentif à :
- La représentativité des victimes
- Expliciter les violences pour libérer la parole. Par exemple : préférer « mains aux fesses » plutôt que « gestes déplacés »
A côté des études, l’HCEfh suggère, dans le cadre d’une démarche participative, de mettre en
place des consultations citoyennes, des transports « exploratoires »
(aka circuler en groupe dans les transports avec des temps mixtes et des
temps non-mixtes, avec un(e) guide afin
de mieux entendre la parole des femmes… c’est une démarche d’autonomisation et
de prise de confiance en soi), des comités d’usager(e)s ou ambassadeur(ice) de
ligne afin de participer à la réflexion de l’offre de transport, recueillir les
suggestions, identifier les priorités…
L’avis met aussi en exergue l’appréhension partielle du phénomène qui a entraîné des solutions et
des réponses insuffisantes. En France, aucune action publique significative
n’a été menée pour briser le cercle vicieux même si des initiatives privées
(associations…) ont été mises en place, notamment depuis 2014. Cependant, rien
de cela n’a permit de cesser la banalisation du phénomène qui est peu dénoncé,
peu ou mal combattu.
La
méconnaissance et la sous-mobilisation du droit : s’il existe des lois
concernant le harcèlement sexiste et les violences sexuelles, il y a néanmoins un décalage entre les
interdits légaux et le ressentit par rapport aux actes commis. De fait, il
s’avère aussi que les victimes ne connaissent pas la loi (par exemple, un
« frotti frotta » désigne une agression sexuelle passible d’une peine
allant jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 euro d’amende) tout comme les
auteurs sont totalement inconscient des risques et de la gravité de leurs actes.
Il y a donc un véritable enjeu dans le
rappel de la loi et l’information.
èInvisibilité
et inadaptation des outils d’alerte et de sécurité. Il y a plusieurs mesures
déjà mises en place par les organismes de transport (bornes d’arrêt d’urgence,
sonnettes d’alarmes…) mais dont les
indications sont d’ordres trop générales et ne mentionnent pas le motif
« violence ». Par exemple, il existe un numéro que je ne
connaissais même pas : le 3117 qui est pensé pour les cas de danger et de
malaise mais dont les indications sont laissées à la libre interprétation des
usager(e)s tout en indiquant que abus = sanction. Ce numéro n’est pas utilisé en cas de harcèlement sexiste ou
d’agression sexuelle.
èAbsence
d’un ciblage « transports » dans les politiques publiques de lutte
contre les violences faites aux femmes ou d’un ciblage « violences faites
aux femmes » dans le plan national de sécurisation des transports.
Les pages suivantes de l’Avis sont dédiées au plan
d’action suggéré. Je voulais vous l’épargner mais au final… Si vous êtes
parvenu(e) jusqu’ici, il est clair qu’un peu plus ne fera pas plus mal.
Cinq étapes :
agir au niveau des opérateurs de transport pour créer un environnement
sécurisant non sexiste et améliorer le recours aux système d’alerte ;
préparer le lancement d’une campagne « Stop au harcèlement sexistes et aux
violences sexuelles sur toute la ligne » avec un concours national (clips
vidéos, messages courts, affiches) ; lancer la campagne à l’occasion de la
Journée Internationale annuelle de la lutte contre les violences faites aux
femmes ; poursuivre la campagne en 2016 dans les transports en commun et
les supports grand public (TV, journaux, quotidiens gratuits diffusés dans les
transports en commun…) ; poursuivre régulièrement la démarche de sensibilisation,
notamment auprès des jeunes.
L’action
avec les transporteurs : adapter et
faire connaître les systèmes d’alertes (messages courts, affichettes,
pictogrammes, messages audio…) ; expliciter les violences comme motif de
recours (aux moyens d’alerte) ; généraliser, décliner et faire connaître
le 3117 ;
encourager les signalements, le partage de témoignage et le dialogue avec et
entre les usager(e)s ; outiller les
professionnel(le)s pour réagir aux situation de harcèlement et orienter les
victimes ; innover dans
l’organisation des transports (arrêts à la demande, amplitude horaire,
adaptation à la fréquentation des transports…) sachant que la solution d’arrêts
à la demande est recommandée par ONU Femmes et a été mise en place au Québec,
de même la solution de moyens de transports réservés aux femmes a été rejetée
(rupture de la mixité, mise en danger de celles qui ne pourraient les
utiliser) ; réduire l’exposition de
toutes et tous à des slogans et images sexistes (lutte contre
l’hypersexualisation, mise en place d’une charte…)
Organisation
d’une grande campagne nationale, construite en concertation avec la société
civile : organiser en 2015 un concours national « Stop au
harcèlement sexiste et aux violences sexuelles sur toute la ligne » visant
à récompenser les meilleurs clips vidéos, messages courts et affiches ; organiser une campagne de sensibilisation
pour dénoncer le phénomène, faire agir et réagir.
·
Les objectifs : faire connaître l’ensemble des violences et les sortir de la
banalisation, déculpabiliser et soutenir les femmes victimes, impliquer les témoins qui ne savent pas
toujours comment réagir et agir, responsabiliser
les auteurs de ces violences
·
La cible : la campagne devra s’adresser à la fois aux victimes, aux
témoins et aux auteurs
·
La campagne devra s’inscrire dans la durée
·
Elle devra être visible partout dans les
transports en commun
·
Elle devra être explicite et innovante
·
Créer un
espace internet institutionnel, national et facilement indentifiable,
d’information et d’accès aux droits concernant ce phénomène
Intégrer la lutte contre le harcèlement
dans la politique publique d’éducation à l’égalité et à la sexualité.
L’éducation doit nécessairement s’adresser à tout le monde, jeunes ou vieux,
femmes ou hommes. Ce qui sous-entend, pour les plus jeunes, de passer par
l’Education Nationale et de, bien évidemment, donner les moyens aux enseignants
et aux établissements, de pouvoir établir le dialogue.
Voilà pour cet Avis du Haut Conseil de l’Egalité femme
homme. Vous trouverez le texte intégral (dont j’ai copié des passages, que j’ai
paraphrasé parfois faute d’une meilleure formulation…), en suivant le lien hypertexte.
Mon avis :
J’ai trouvé ce document fort intéressant. Cependant, je regrette vraiment qu’il
soit intervenu en 2015, soit plus d’un an après le passage sur le devant de la
scène de ce phénomène. J’entends par passage sur le devant de la scène, les
différentes manifestations, les vidéos, les articles… J’ai l’impression que
l’Etat Français se réveille tout juste et c’est vraiment déprimant. Je regrette
aussi un certain… comment dire… J’ai l’impression que le phénomène est
sous-estimé. Il n’y a pas de réflexion sur la banalisation, sur la
culpabilisation des victimes, sur les agissements des témoins… même si cela est
évoqué tout en essayant de trouver une piste de réflexion.
Avec un peu de chance, on tient le bon bout… Enfin… Reste
à ce que le Gouvernement mette tout en place et ça… J’en doute réellement.